
La passion selon Karim
Axel Würsten
2023 - 24 minutes
France - Fiction
Production : Capricci
synopsis
Une patrouille scoute arrive dans un village isolé de la Drôme pour donner une représentation de la Crucifixion du Christ. Rien ne peut dévier de son but obsessionnel le scout qui a hérité du rôle du Christ, Karim, 17 ans : trouver l’extase pour bien interpréter le martyre en croix.
biographie
Axel Würsten
En parallèle d’un parcours de comédien, notamment sur la série de Canal+ Hard, dans laquelle il officie durant trois saisons jusqu’en 2015, Axel Würsten suit des études de philosophie et de cinéma à la Sorbonne.
En 2014, il intègre le département scénario de la Fémis, dont il sort diplômé en 2018. Depuis, il écrit et réalise ses propres projets, tout en travaillant aussi comme scénariste.
Se sont ainsi enchaînés pour lui les courts métrages Trouble-fête (2018), Lit de punaise (2019), En chien (2021), Samantha chérie (2023) et La passion selon Karim (2024). Tous ont été projetés à la Cinémathèque française en septembre 2024 et le dernier a gagné la Fessée du public au Festival du film de fesses 2024.
Critique
Avec La passion selon Karim, Axel Würsten s’amuse à jouer avec les symboles. Profane et sacré se donnent malicieusement la main, dans une comédie de situation où l’auteur-réalisateur-acteur brise sans complexe les tabous judéo-chrétiens. Il s’est même donné le second rôle du metteur en scène, prénommé Matthieu, tout comme l’apôtre à l’origine de l’un des quatre évangiles canoniques du christianisme, lui-même salué par le titre d’un fameux long métrage signé Pier Paolo Pasolini en 1964, soit soixante ans pile avant cette histoire courte. Mais ici, point de biopic épuré à la gloire du Christ, mais une fantaisie sur une bande de scouts, missionnés pour monter une représentation de la Passion du fameux Jésus. L’enjeu narratif se joue là où le bât blesse : l’ado campant l’icône n’arrive pas à exprimer l’extase recherchée par son camarade orchestrateur. Ajoutant encore un degré de saveur inclusive, Würsten a choisi de nommer son protagoniste Karim. Ce chemin de croix, dans tous les sens du terme, devient une quête éperdue de la note juste.
Contournant les gags en série, le jeune cinéaste tire le fil d’une aventure empirique qui touche au mystique à l’issue de ses vingt-quatre minutes. Il donne du temps à son arc narratif autant qu’à chaque scène et qu’à chaque ressenti de ses héros en culotte courte. L’audace arrive sans crier gare, car tous les actes et toutes les réflexions des personnages sont mis au même niveau. La transgression se fait en douceur, pour atteindre le but final et fantastique : l’ascension. Entre candeur et malice, le premier degré règne, et quand la mission de Karim est accomplie, la scène décolle à tous points de vue. La pilule de l’invraisemblable passe grâce au sens du cocasse, qui fait accepter tous les délires. Würsten n’a pas peur du ridicule, et en assumant son artificialité, il évite le premier. Karim a beau kiffer les daronnes, Pierre-Marie a beau craquer pour son coloc de tente, la grâce divine touche ces djeuns en plein air, dans une fiction à cheval entre kitsch et campagnard, queer et teen-movie.
La Drôme provençale des Baronnies devient le décor idéal de cette chronique aux couleurs saturées. Précision photographique et densité picturale accompagnent la simplicité du récit et son angélisme sexualisé. De l’orgue religieux aux teintes pop, Axel Würsten continue d’alimenter son trajet de réalisateur démarré à la Fémis, balisé par Bamboula, Trouble-fête, Lit de punaise et Samantha chérie. Une brochette de titres au fort pouvoir évocateur, où l’irrévérence infiltre les changements de ton, et le regard décalé sur les comportements humains au milieu des fonctionnements culturels et sociétaux. L’humour permet d’enfoncer les barrières des diktats et du politiquement correct, alors que 2025 incarne plus que jamais un pic du recul mondial de la tolérance. Tourner en dérision et s’amuser au premier degré, c’est bien, mais titiller là où les conflits grattent, c’est encore mieux. Würsten l’a bien compris et il s’en donne à cœur, à chœur et à corps joie.
Olivier Pélisson
Réalisation et scénario : Axel Würsten. Image : Pauline Doméjean. Montage : Ann Sophie Wieder. Son : Paul Guilloteau, Fabien Beillevaire et Sylvain Adas. Musique originale : Clémence Ducreux. Interprétation : Arman Saïbi, Pierre Gommé, Axel Würsten, Pauline Serieys et Raphaël Thiéry. Production : Capricci.