Extrait

Titan

Valéry Carnoy

2021 - 19 minutes

France, Belgique - Fiction

Production : Punchline Cinéma, Hélicotronc, Taka

synopsis

Nathan, treize ans, s’apprête à retrouver la bande de son ami Malik pour participer à un étrange rituel d‘intégration.

Valéry Carnoy

Valéry Carnoy est un réalisateur belge formé à l’Institut national des arts du spectacle (Insas) à Bruxelles, après un cursus en psychologie interculturelle à l’université libre de Bruxelles. 

Son film de fin d’études, Ma planète (2018), participe à plus de 80 festivals internationaux (Alès, Brest, Leeds, Leuven, Tokyo, etc.). Il remporte notamment le Prix du meilleur film au Tallin Black Night Film Festival dans la catégorie “New talent”.

En 2021, Valéry Carnoy termine son second court métrage : Titan. Cette coproduction franco-belge associant Hélicotronc et Punchline Cinéma lui vaut une vingtaine de récompenses, dont le Grand prix national au Brussels Short Film Festival, avant une nomination aux Magritte du cinéma. Le film est sélectionné dans de nombreux festivals internationaux de premier plan (Clermont-Ferrand, Oberhausen, Interfilm Berlin, Busan, Odense, Palm Springs…).

En 2024, Il tourne son premier long métrage, La danse des renards, coproduit cette fois par Hélicotronc et les Films du Poisson. Il est sélectionné, l'année suivante, au Festival de Cannes, au sein de la Quinzaine des cinéastes.

Critique

La série événementielle de Netflix Adolescence l’a encore illustré tout récemment : la porte de la chambre d’un(e) ado peut être comme un océan le séparant de ses parents. On y pense forcément, en regard de ce qui a précédé, en s’immergeant dans la dernière séquence de Titan, avec lequel Valéry Carnoy confirmait les espoirs nés de son film de fin d’études de l’Insas, Ma planète (2018) – avant son passage au long, en 2025, par le biais de La danse des renards).

À la fin du film, donc, Nathan retrouve, en rentrant à la maison entre chien et loup, sa mère qui regarde la télé sur son lit et sollicite un câlin, lui demandant de lui gratter le dos et évoquant la possibilité d’avoir un chien, comme un pré-ado lambda de treize ans, qui est encore un petit garçon tout en faisant, souvent, l’homme. Et le contraste est saisissant avec les scènes qui ont précédé et qui constituent la vie du gosse en dehors du cercle familial (restreint ? on ne sait pas s’il y a un père dans les parages). En marge de cet espace apaisé, sorte de cocon rassurant, son apprentissage de l’existence est constitué de violence, de rivalités virilistes, d’insultes faciles et de défis humiliants, au miroir incontournable des réseaux sociaux, évidemment…

Nathan se surnomme lui-même “Titan”, ce qui prête à sourire au vu de sa carrure, et il est d’ailleurs vanné par les lascars à la hauteur supposée desquels il entend se hisser via un rite initiatique aussi débile que cet âge ingrat peut le supposer, tout spécialement à l’ère 2.0. Mais Valéry Carnoy a la finesse de ne pas se risquer à la dénonciation, filmant à la manière des duels d’antan – il ne manquerait que la Sarabande de Barry Lyndon – le face-à-face des deux prépubères prêts à se tirer dessus avec des pistolets à gaz propulsant des projectiles qui, si ce ne sont heureusement pas des plombs, infligent des impacts tout de même sérieux aux corps de ces maigrichons voulant se faire passer pour des caïds. Ce court récit d’apprentissage résonne de façon universelle, mais son inscription dans les paysages ruraux wallons rajoute à l’atmosphère tranchante du film, ceux du Borinage filmé autrefois par Henri Storck ou de la région de Seraing explorée plus récemment par les frères Dardenne (Nathan est lui aussi un “enfant au vélo”). “Tranchant”, l’adjectif fait aussi écho à la lame donnée à Nathan par son grand frère au début du film, qu’il sortira pour se tirer d’un mauvais pas, ce qui ouvre aussi à un imaginaire tragique s’étant imposé au cœur d’une litanie de faits divers durant les mois écoulés. Titan, sans heureusement poser de regard d’ordre moral sur la psyché de l’adolescence post-Covid (le film date de 2021), n’en représente pas moins une solide pièce à conviction à verser au dossier de la santé mentale de cette tranche d’âge sensiblement abîmée.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Valéry Carnoy. Image : Arnaud Guez. Montage : Marianna Romano. Son : Pierre-Nicolas Blandin, Colin Favre-Bulle et Franco Piscopo.  Interprétation : Mathéo Kabati, Killyan Guechtoum-Robert, Phénix Brossard, Anne Suarez, Jef Cuppens et Marcel Degotte. Production : Punchline Cinéma, Hélicotronc et Taka.

À retrouver dans