
Santa Maria Kyoko
Félix Loizillon, Guil Sela
2024 - 27 minutes
France - Fiction
Production : New Shoes, Malfamé Cinéma et Lotta Films
synopsis
Dans le village de Santa Maria Poggio (Haute-Corse), deux amoureux, Kyoko et Yutaro, sont loin de leur Japon natal et ne savent plus trop où ils en sont. Ils décident de passer la journée chacun de leur côté…
biographie
Félix Loizillon
Né en 1996 et fils du cinéaste Christophe Loizillon, Félix Loizillon est à la fois metteur en scène et compositeur. Il a suivi des études littéraires et un master en philosophie qui l'ont emmené entre Paris, Tokyo et Buenos Aires. Il a fondé la Compagnie Le Chameau en 2020 et créé plusieurs spectacles, joués à Paris notamment au Cent-Quatre ou au Théâtre Paris-Villette.
En tant que réalisateur, il a écrit et réalisé Santa Maria Kyoko avec Guil Sela en 2023. Le film a été sélectionné dans plusieurs festivals, notamment Côté court, Les Nuits Med et “Un festival, c'est trop court !” à Nice…
On le retrouve aussi, en qualité de compositeur de musique, au générique de deux films de son père, Famille (2011) et Petit matin (2013), et deux autres de sa sœur, Inès, Armstrong (2019) et Tifs (2021).
Il est en outre apparu dans ce dernier, ainsi que dans les moyens métrages Le soleil chante à l'horizon de Marin Gérard (2024) et Les tracances de Victor Boyer (2025).
Guil Sela
Né en 1996, Guil Sela (Apelbaum, de son identité complète) est à la fois cinéaste et photographe. Il tourne en 2022 un premier court métrage avec les Films Norfolk, La flamme olympique, dont l'argument est lié aux Jeux olympiques de Tokyo de 2020 (repoussés en 2021).
Il signe ensuite à quatre mains avec Félix Loizillon, Santa Maria Kyoko, en 2023. Tourné en Corse, le film est sélectionné à Côté court.
C'est surtout un film autoproduit, Montsouris, qui attire l'attention sur lui, remportant le Prix Leitz à la Semaine de la critique, au Festival de Cannes 2024. Il enchaîne avec No Skate !, présenté à la Semaine de la critique 2025 (hors compétition) et qui prend comme cadre les J.O. de Paris, cette fois – quoiqu'à bonne distance… À nouveau produit par les Films Norfolk, il réunit deux jeunes talents en vue : Michael Zindel et Raïka Hazanavicius. Il est aussi montré à Cabourg, au Champs-Élysées Film Festival et à Vila do Conde.
Son premier long métrage, Life is a Beach !, est en cours d'écriture et continuera sur la double tonalité de l'humour et de la mélancolie l’ironie se cachant derrière le caractère tragique de l'actualité.
On a aussi pu croiser Guil Sela à l'écran au sein du casting du film court de Marin Gérard Le soleil chante à l'horizon.
Critique
NB : ce texte transversal paru dans Bref n°130 (2025) est consacré à la fois à Santa Maria Kyoko et à Montsouris de Guil Sela.
Ce serait l’histoire d’un garçon qui aime la plage et d’une fille qui préfère la randonnée ; d’un garçon qui s’ennuie, et d’une fille qui trouve à s’occuper ; d’un garçon qui ne parle pas la langue locale et d’une fille qui la parle… Doux-amer, mais sans que le qualificatif vaille pour nivellement des sentiments, ni petite musique impersonnelle, Santa Maria Kyoko, coréalisé par Félix Loizillon et Guil Sela, s’attache aux derniers jours de vacances de deux jeunes Japonais en Corse, qui se fait ici la caisse de résonance, bien plus que la simple toile de fond, de la crise que traversent ses personnages. Fort d’une mise en scène attentive à la saisonnalité des paysages (les variations de lumière, la circulation du vent…), le film s’affilie en quelque sorte à une tradition dont l’emblème serait Voyage en Italie, celle d’une chronique conjugale où, en territoire étranger, un couple fait face au délitement – et entrevoit, pourquoi pas, le ravivement – de sa relation.
Changement de registre pour Montsouris, signé par Sela seul cette fois, et dans lequel un cinéaste et son preneur de son cherchent, dans le parc parisien du même nom, quelque chose qui vaudrait la peine d’être filmé. Soit l’idée d’un cinéma traquant et élisant in situ son sujet, envisagé comme un art de l’affût, une curiosité témoignée à ce qu’un cadre est susceptible d’accueillir ; une partie de chasse avec pour fusil une longue focale. Et, pourquoi pas, l’amorce d’une réflexion sur la place du cinéaste dans la société, sa responsabilité quant à ce sur quoi il porte les yeux (ainsi, est-il légitime d’aller troubler l’effusion d’amoureux couchés dans l’herbe ?). Tout cela est bien sûr très écrit, et la mise en scène – dont le cœur consiste en un plan-séquence à la virtuosité discrète – précisément pensée, tout en plongeant une poignée d’acteurs dans une foule de passants. Le film produit ainsi une douce effraction dans le quotidien, moins pour le piéger à la faveur de son dispositif (ce n’est pas une caméra cachée : on ne joue pas un tour au réel) que pour y prélever un peu d’inattendu, ou signer un contrat avec lui : je t’emprunte ton décor, j’y dispose ma fiction, et nous en sortons tous deux gagnants.
D’un motif narratif a priori classique dans un film cosigné, où se mêlent assez idéalement les visions et projets de cinéma distincts de leurs auteurs, puis en solo, à une comédie innervée du vœu, ou de la singulière conviction, contre-intuitive peut-être, d’une harmonie du monde, Guil Sela – auteur également, en 2023, de La flamme olympique – semble circonscrire, déjà, un geste et une éthique filmiques.
Thomas Fouet
Texte paru dans Bref n°130, 2025.
Réalisation et scénario : Guil Sela et Félix Loizillon. Image : Pauline Doméjean. Montage : Paul Nouhet. Son : Lucas Domejean, Noémy Oraison, Adrien Cannepin et Lucas Doméjean. Musique originale : Félix Loizillon. Interprétation : Yumi Narita, Akihiro Hata, Roselyne de Nobili, Carmella Casalonga, Jean et Ange Filippi. Production : New Shoes, Malfamé Cinéma et Lotta Films.