Plein Ouest
Alice Douard
2019 - 17 minutes
France - Fiction
Production : Deuxième ligne Films, The Living
synopsis
Mathilde, neuf ans, profite de son dernier jour de vacances au bord de la mer avec sa bande de copains. Son père interprète mal un de leurs jeux.
biographie
Alice Douard
Née en 1985 à Bordeaux, Alice Douard étudie l’Histoire de l’art puis devient chargée de production chez Atlantique, avant d’être admise en section réalisation à la Fémis en 2009. Pour son court métrage de fin d’études Extrasystole (2013), inspiré d’un récit de Stefan Zweig, elle est honorée d’une Mention spéciale du jury au Festival de Clermont-Ferrand, ainsi que du Youth Award au Zinegoak Film Festival. Le film est en outre acheté et diffusé par Arte.
Tout en travaillant régulièrement en parallèle comme scripte et assistante à la mise en scène (Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador), elle a réalisé en 2015 Les filles, Prix du GNCR au festival Côté Court de Pantin, et en 2019 Plein ouest, ainsi que, dans l'intervalle, le téléfilm Robin (2017), produit par Cinétévé.
Elle rencontre un ample succès avec L'attente, interprété par Clotilde Hesme et Laetitia Dosch, qui remporte le César du meilleur court métrage de fiction en 2025. Inspiré directement par la naissance de sa fille, née de son mariage avec Marie Boitard, avec qui elle a aussi fondé la société de production Les Films de June, elle développe d'après le même récit son premier long métrage : Des preuves d'amour. Celui-ci est présenté en séance spéciale à la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2025, avant d'être distribué ne salles par Tandem le 19 novembre.
Alice Douard continue de travailler en parallèle comme scripte sur des films d'autres cinéastes, comme Je le jure de Samuel Theis en 2025.
Critique
Mathilde (Vega Cuzyek) a neuf ans, une salopette rouge et les cheveux blonds éclaircis par le soleil. Comme d’autres petites filles de cinéma avant elle, elle va vivre l’un de ces étés décisifs, transitoires, au bord de l’eau, près de la Manche. Mais à l’inverse des récits d’apprentissage où les premières fois s’éprouvent physiquement dans des histoires faites d’aventures et de rencontres, Plein Ouest place son grand bouleversement dans l’intériorité de Mathilde, sous son grand regard bleu et patient. Car ce que filme ici Alice Douard n’a pas si souvent été filmé, ni raconté. L’instant se situe juste avant ce qui, d’ordinaire, intéresse la fiction, à savoir tout ce qui concerne les rituels d’un âge où les choses changent, tâtonnent, entre éveils amoureux et découverte de la sexualité. Ce que va comprendre et réaliser Mathilde dans Plein Ouest, c’est qu’elle est une petite fille – qui plus est une “petite fille jolie”, lui dit son père, c’est-à-dire un être genré, soumis aux regards inquisiteurs des autres et surtout des garçons.
Une après-midi, alors qu’elle s’est enfermée dans une petite cabane avec un copain pour s’amuser à disséquer une méduse (cruauté des jeux enfantins), son père, empêché de pénétrer dans la pièce verrouillée, s’emporte. Plus tard, il la convoque dans la cuisine de la maison, la sermonne et lui interdit de réitérer l’expérience, parce que “les garçons et les filles, ça ne doit pas s’enfermer à clé.” Le geste et la parole qui voudraient la protéger, l’exposent et lui désignent sa condition comme une tare, une fragilité. Dès lors, le monde de Mathilde change. La spontanéité de ses rapports avec les autres, et notamment avec son ami, se modifie, quelque chose glisse désormais vers une forme de culpabilité et de honte. Alice Douard filme cette prise de conscience comme une désillusion violente, mais néanmoins adoucie par la lumière de la saison estivale et relativisée par un dénouement qui laisse espérer qu’il reste une place pérenne, stable et enviable au milieu de ces injonctions. Qu’entre une féminité exacerbée et une masculinité prédatrice, le trouble est permis, et l’amitié aussi.
Marilou Duponchel
Réalisation : Alice Douard. Scénario : Bastien Daret et Alice Douard. Image : Sébastien Goepfert. Montage : Héloïse Pelloquet. Son : Elton Rabineau, Tristan Lhomme. Interprétation : Samuel Theis, Vega Cuzytek, Antoine Ayroulet et Elsa Houben. Production : Deuxième ligne Films et The Living.
