Concours de la jeune critique 2025 : les trois textes lauréats choisis par Brefcinema !
Selon une bonne habitude prise chaque année, nous sommes partenaires de cette opération pilotée par le Festival de Clermont-Ferrand et publions ici les trois critiques que nous avons décidé de récompenser dans la catégorie “Section cinéma/audiovisuel”. Un grand bravo aux gagnant(e)s !
Grand prix : Milana Chassagnard (classe de Seconde, Lycée polyvalent de Mauriac, Cantal), pour son texte sur le film Aux armes, Christopher d’Élise Amblard (compétition nationale 2025, photo de bandeau).
Dès le premier plan, Aux armes Christopher nous plonge dans une ambiance intense, presque suffocante. Le film veut qu’on ressente l’urgence, qu’on partage la rage du personnage principal. Et ça marche.
Tout est serré. Le cadre l’est, un 4 :3 étroit comme une cage thoracique. Christopher ne respire pas, et nous non plus. On est collé à lui, à ses gestes nerveux, à sa silhouette raide, à ses silences qui vrillent les tympans. La caméra ne le suit pas, elle le traque. Et dans cette traque-là, il y a une forme de tendresse, malgré tout.
Pas de discours. Pas de psychologie plaquée. Juste un corps dans l’espace, qui absorbe la colère comme un buvard trop plein. Et autour, tout est sec. Lumière blafarde, cuisine qui correspond à une routine, plans fixes comme des murs.
Puis vient l’éclipse. Le seul moment où le film s’autorise une forme de poésie. Mais une poésie géométrique. Le réel se décale, très légèrement. Et ça suffit. Le regard de Christopher vacille. Ce n’est pas un revirement. C’est un doute.
Le film ne cherche pas à sauver, il observe, il écoute. Et surtout, il filme avec une précision qui pique. Chaque plan est un choix, chaque silence une lame, ce n’est pas un film qui raconte, c’est un film qui incise.
Et si ça reste, c’est parce qu’il ne ferme rien. Il laisse tout ouvert comme une plaie qu’on n’a pas désinfectée.
2e prix : Julie Veyssières (Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme), pour son texte sur le film Papillon de Florence Miailhe (compétition nationale 2025, visuel ci-dessus).
En nageant, un vieil homme se remémore son passé avant de mourir. Cette animation, dessinée avec beaucoup de talent et de sensibilité par Florence Miailhe, retrace la carrière et la vie, tantôt heureuse, tantôt tragique d’un nageur originaire d’Afrique du Nord. Une plongée historique avec pour lame de fond le nazisme, l’antisémitisme mais aussi l’amour et la solidarité d’autres compétiteurs.
De son apprentissage de la natation aux bassins des compétitions, d’une piscine olympique à celle d’un camp de concentration, de la mer Méditerranée aux eaux turquoises tropicales, chaque mouvement de papillon déploie ses ailes pour que jamais l’espoir ne se noie.
Dans ce court-métrage, chaque coup de pinceau est une immersion réussie dans l’histoire d’une vie et celle d’un siècle. Corps et vagues s’entremêlent dans une nage émouvante ponctuée d’une musique et de sons d’ambiance. Couleurs et lumière de la peinture éclairent la période la plus sombre du XXe siècle.
Comment ne pas couler face à la haine ? Comment remonter à la surface et retrouver le goût de vivre ? Ce sont les questions que l’on se pose en découvrant la chute de la vie rêvée du champion Alfred Nakache, surnommé “le nageur d’Auschwitz”.
Mis en images par la fille d’un de ses compagnons de la Résistance, Florence Miailhe, Papillon est aussi remarquable par son histoire que par son esthétique picturale, qui adoucit la brutalité du récit. Pour ne jamais oublier…
3e prix : Emma Mortier (classe de terminale section cinéma, Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme), pour son texte sur le film Kaminhu de Marie Vieillevie (compétition nationale 2025, visuel ci-dessus).
- Toi, tu es libre. Tu vois le monde. Mais nous, on ne peut pas partir. On est en train d’étouffer ici.
Joanna, une jeune voyageuse occidentale, sillonne les îles du Cap Vert avec son carnet de croquis. Lors d’une escale au village d’Esperança, elle rencontre un jeune pêcheur cap-verdien qui l’incite à prolonger son séjour.
Kaminhu, ou “chemin” en créole, c’est l’ébauche d’une romance, des poissons colorés, de la danse et du soleil. Du moins en apparence. Animé numériquement en 2D, les personnages paraissent doux sans leurs contours et habillés de couleurs pastel. Assise sur le sable, Joanna met en couleur sur son carnet les jouissances cap-verdiennes comme la réalisatrice dessine l’histoire de cette rencontre sur son écran. L’animation apparaît donc comme une idylle entre ces deux personnages que seule la langue semble séparer.
Bien qu’ils dansent l’un dans les bras de l’autre, un fossé culturel sépare Joanna du jeune pêcheur. Anciennement route des esclaves, le Cap Vert porte en son sein la mémoire douloureuse de la colonisation portugaise, une plaie béante qui ne semble pas se refermer. Un héritage colonial perceptible à travers les métissages linguistiques où s’entremêlent créole, cap-verdien et portugais. Le court-métrage transmet donc, par une conversation indirecte, la douleur cap-verdienne causée par l’exploitation des occidentaux, illustrant ainsi le déséquilibre entre les puissances du Nord et les exploités du Sud.
Kaminhu, c’est donc un passé douloureux qui sévit, une route aux chemins tout tracés pour les cap-verdiens et infinis pour les Occidentaux. Mais c’est aussi des voies qui se croisent et dialoguent pour rassembler les communautés sur des airs de coladera.
Une Mention spéciale a été décernée à Léo Guist’Hau, du Lycée polyvalent de Mauriac, pour sa critique vidéo du film Ni Dieu ni père de Paul Kermarec, présenté en compétition “Labo” et en séance scolaire en 2025. Elle est à visionner sur le site de Sauve qui peut le court métrage., tout comme les versions vidéos des textes qui précèdent, lus par leurs jeunes autrices.
Merci à Chiara Ciriani, Evie Claireaux et John Robinson pour leur participation au jury Brefcinema.
À lire aussi :
- Les textes choisis par Brefcinema lors du concours de la jeune critique 2024.
- Le palmarès du Festival de Clermont-Ferrand 2025.