Simón Mesa Soto version long métrage, c’est tout un… poète !
En salles cette semaine, Un poète a obtenu le Prix du jury de la section “Un certain regard” au Festival de Cannes. Il est signé d’un cinéaste colombien s’étant révélé initialement sur le front du court, dont deux films ont été diffusés par le passé sur Brefcinema.
De Simón Mesa Soto on avait beaucoup aimé, déjà, Leidi, Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes 2014, et Madre. Le premier mettait en scène une adolescente devenue mère bien trop tôt et aprentant la ville de Medellin à la recherche du père de son bébé, tandis que dans le second, une autre très jeune fille gagnait le centre de la même grande ville, si connotée dans nos imaginaires, pour participer à un casting de vidéos pornographiques, quoiqu’étant nettement mineure…
Depuis, le réalisateur a tourné dans le même cadre urbain un premier long métrage, Amparo, présenté à la Semaine de la critique 2021, mais demeuré inédit en salles en France. Un poète est donc son deuxième long, mais le premier distribué. Toujours la même cité tentaculaire à l’écran, mais un “héros” masculin, cette fois – avec des guillemets à héros, doit-on préciser. À savoir Óscar Restrepo (il est cocasse d’avoir choisi le patronyme d’un autre réalisateur en vue de la nouvelle génération colombienne, Camilo Restrepo…), un type plutôt curieux se disant poète et courant, toujours sans le sou, après la reconnaissance. Un gugusse qui a du mal avec tous les aspects de la vie, surtout, et qui peine à assumer son rôle auprès de sa fille adolescente depuis la séparation d’avec sa (forte) femme.

Le motif de le jeune fille resurgit ainsi doublement, puisqu’il se prend d’intérêt pour une collégienne boulotte, issue de milieu modeste et quelque peu harcelée dans l’établissement où il est amené à tenter d’enseigner, et dont il espère promouvoir la prometteuse qualité d’écriture en l’emmenant au bout d’un concours de littérature poétique. Mais comment être un mentor fiable quand on ne sait même pas s’occuper de soi-même ? Une rumeur insidieuse, à l’ère #MeToo, va achever d’entraîner Oscar dans un maelström de désagréments, le mot est faible…

Nonobstant ce déroulé de récit d’une catastrophe, c’est bien une comédie grinçante qu’a entrepris Simón Mesa Soto, avec son loser pas du tout magnifique, incarné par l’étonnant Ubeimar Ríos – qui est en réalité instituteur et correspondant de presse, mais pas du tout acteur… Son personnage d’homme au bord de la crise de nerfs est cousin de ceux de la grande époque de Woody Allen, même s’il peut paraître périlleux de tisser une telle parenté au vu du pitch du film.
Le tragique et le comique, en tout cas, aimantent successivement, et sans discontinuer, la narration, qui brosse dans le même temps un tableau social savoureusement féroce, dans une tradition de “clash” des classes (“bourges” vs. prolos) porté jadis au pinacle par la comédie italienne. Le filmage en 16 mm, avec une image parfois délibérément cradingue, rajoute une certaine jubilation à contempler ce jeu de massacre au final assez fin et même émouvant.

À voir aussi :
- Un court métrage d’animation franco-colombien disponible sur Brefcinema : La perra de Carla Melo Gampert.
À lire aussi :
- Alexe Poukine du court au long : Kika (sortie le 12 novembre 2025).


