"Maman" de Ugo Bienvenu
Papa repasse. Enfant range. Maman expire.
C’est une maison isolée au bout d’une allée. Une maison grise avec plusieurs fenêtres, du linge qui sèche dehors et un auvent pour protéger la voiture garée. Une maison qui ressemble à tant d’autres, qui renvoie à un inconscient de famille de classe moyenne. Et puis, il y a cette femme vert-de-gris, les yeux exorbités, qui se plante devant nous et qui sort un cri étrange, puissant et en même temps étouffé. L’image est interrompue par le carton du générique. Maman sera donc le titre. C’est quoi, Maman ? La description du quotidien d’une famille à trois jambes (papa-maman-enfant) ? Un film d’horreur inattendu ? Un peu tout ça à la fois en réalité.
Ugo Bienvenu, jeune dessinateur de bandes dessinées (Paiment accepté, sorti l’an dernier), auteur de l’affiche du Festival d’Annecy 2017, adaptateur d'Ant-Man chez Marvel, réalise aussi des films d’animation depuis 2010, souvent en association avec Kevin Manach. C’est le cas pour ce film coréalisé en 2013 qui distille de l’insolite via de petits décalages, créant une atmosphère étrange, inquiétante, onirique. On retrouve le trait acéré d’Ugo Bienvenu, influencé de la BD américaine des années 1940-1950, son sens du détail du dessin et de l’image, dans des plans souvent larges, nourris d’informations, la précision de la bande sonore, narrative en soi, presque obsessionnelle, mentale. La famille dépeinte dans Maman est à la fois basique, traditionnelle, mais elle finit très rapidement, dès le cri de la mère au premier plan, à dysfonctionner, à se dérégler. C’est l’homme qui tape le fer à repasser contre le mur, l’enfant qui sautille, cul nu et en chaussettes, pendant que la mère, est prête à expirer le mal-être d’une tranquillité trop évidente.
En cinq minutes, les deux réalisateurs, issus de l’École des Gobelins, évoquent à travers ce film réalisé en 2013, un monde prêt à basculer dans un irrationnel presque dangereux. Ils prônent une esthétique du laconisme et de la sécheresse du plan pour mieux intriguer et déranger le spectateur.
Bernard Payen
France, 2013, 05 minutes.
Réalisation, scénario et montage : Ugo Bienvenu et Kevin Manach. Son : Lyonel Guenoun et Arthur Lesueur. Production : Miyu Productions.