"Les algues maléfiques" d’Antonin Peretjatko
Bretagne. Algues vertes. Des promeneurs disparaissent... Le gendarmerie enquête. Que se trame-t-il du côté des bobos dans une villa de la côte ?
Depuis quelques années, le cinéma français d’auteur a fait une entrée remarquée dans le domaine du fantastique. Une pléiade de nouveaux talents, parmi lesquels Julia Ducournau, Just Philippot, Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma font figure de fer de lance. On attendait moins un réalisateur comme Antonin Peretjatko sur ce terrain. Son cinéma de l’absurde étant plus propice à dénouer la corde qui lie le spectateur à son siège qu’à la tendre. D’ailleurs, avec Les algues maléfiques, Peretjatko ne joue absolument pas avec la peur du spectateur. Cet énième film de zombies est gouverné par le second degré (voire le second second second degré…). Court métrage horrifique loufoque, Les algues maléfiques évoque d’emblée les œuvres de l’écurie Troma Entertainment, une maison de production fondée par l’Américain Lloyd Kaufman spécialisée dans un cinéma de série Z, souvent amateur, tout le temps déconneur et, parfois, corrosif. Avec ce film au casting hyper branché, tourné dans une belle Bretagne de carte postale dans l’une des maisons de l’écrivaine Colette, Peretjatko fait une irruption inattendue dans le fantastique façon Troma.
Cinéaste de l’absurde, du sous-entendu et du “sur-entendu”, le réalisateur de La fille du 14 juillet (2023) a toujours signé des œuvres hantées par une certaine culture du septième art. Les algues maléfiques a ainsi quelque chose du patchwork cinéphile : clin d’œil aux grands classiques du cinéma d’horreur qui déjà usent du second degré (Evil Dead et Bad Taste) ; effets spéciaux, parfaitement réussis et incontournables du sous genre : sang qui gicle sur la caméra et rayons lasers de couleur évidemment vert fluo. Même le ou les discours “politiques” ou “critiques” sous-jacents sont aujourd’hui devenus des topoï des films d’horreur. En la matière, Les algues maléfiques est un concentré de petites pointes ici écologiques, là critiques contre l’administration ou les flics, ou encore parodiques (la novlangue vegan post #Metoo). Ces discours ne peuvent s’apprécier que pour ce qu’ils sont : des boutades plus que de véritables réflexions. Avec ses politiques farfelus, ses flics de Saint-Coulomb et sa troupe de jeunes hipsters sortis du magazine Vogue, Les algues maléfiques évoque tout en même temps le cinéma d’un Bruno Dumont version P'tit Quinquin que celui d’un Jean Girault (Le gendarme de Saint-Tropez). Cruauté et naïveté se combinent dans une mécanique du ridicule franchement assumé. L’originalité de Peretjatko repose sur sa capacité à mixer dans son blender cinéma tout cela de manière excentrique, anarchique, sans ordre ni maître. De là aurait pu sortir un grand n’importe quoi, or c’est tout le contraire ; en convoquant les frontières du visible et de l’invisible, le cinéaste français déploie un petit théâtre de l’humain où les décors comptent moins que les acteurs, un théâtre de poche qui réserve ici et là son bon lot de trouvailles et de succulentes provocations.
Donald James
France, 2022, 24 minutes.
Réalisation, scénario et montage : Antonin Peretjatko. Image : Simon Roca. Son : Bruno Auzet et Sarah Lelu. Interprétation : Alma Jodorowsky, Pauline Chalamet, Clarisse Lhoni-Botte, Estéban et Fred Tousch. Production : Paris-Brest Productions.